Madrid aux XIIe
et XIIIe siècles
Antonio de las Viñas, 1562 |
La place sert pour les Maures de verrou, à 50 km au sud des cols de la Sierra de Guadarrama, bloquant la route du Manzanares. C'est aussi une forteresse de regroupement (ribat) pour les forces qui se concentrent avant un raid contre les chrétiens au nord des montagnes, vers Ségovie.
Sur environ 300 km, le Système Central sépare la Meseta septentrionale (Vieille Castille), qui correspond en gros au bassin du Duero, de la Meseta méridionale (Nouvelle Castille), liée au bassin du Tage. Ce Système Central, orienté sud-ouest/nord-est, est composé de trois chaînes, la Sierra de Gredos à l’ouest, la Sierra de Guadarrama au centre et la Sierra d'Ayllon à l’est.
Au Xe siècle, ces chaînes servent de frontières entre le domaine chrétien au nord et le Royaume de Tolède au sud. Ainsi les Maures doivent-ils remonter les vallées des affluents de la rive droite du Tage pour atteindre les cols de la Sierra de Guadarrama, qui culmine à la Peñalara (2430 m). Ils peuvent longer le Jarama, qui se jette dans le Tage en aval d’Aranjuez, passer Talamanca et Uceda, atteindre le col de Somosierra (1444 m) à 150 km du Tage et de là parvenir jusqu’à Aranda de Duero à 70 km plus au nord. Un affluent de la rive droite du Jarama, la Lozoya, permet d’atteindre, plus à l’ouest, le col de Navafría (1748 m)
La vallée du Manzanares, un affluent de la rive droite du Jarama, à une trentaine de km d’Aranjuez, permet de parvenir jusqu’à Madrid à 25 km environ, puis au col de Navalcerrada (1860 m) à 80 km du Jarama. De là, Ségovie n’est qu’à 28 km.
Enfin, en aval de Tolède, la vallée du Guadarrama conduit au col du même nom à une centaine de km plus au nord. De là, Ségovie n’est qu’à une quarantaine de km au nord-est et Avila à une soixantaine de km au nord-ouest. Plus au nord, au delà du Duero, c’est Valladolid.
En somme, entre Aranjuez et Tolède, trois vallées permettent de remonter jusqu’aux cols de la Sierra de Guadarrama, celles du Jarama, du Manzanares et du Guadarrama pour atteindre Aranda, Ségovie ou Avila et le Duero.
Les chrétiens prennent la place en 932, puis en 1047
Le roi Ramiro II de Léon (931-951) avait déjà pris Madrid,
qui apparaît ainsi cité pour la première fois dans les textes chrétiens, comme
les croniques de Sampiro, de Cardeña et Silense. Cette attaque se place au
début de son règne, dans une période d’affrontements permanents contre les
Maures.
C’est au cours d’un raid, d’une razzia destinée à affaiblir
l’ennemi et à rafler du butin, sans chercher à occuper les places tombées
entre les mains des chrétiens, qu’en 932 le roi de Léon prend Madrid. La
forteresse madrilène était peut-être commandée par Abd Allah ibn Muhammad ibn
Ubayd Allah qui l’avait reçue vers 929. Assiégée par une puissante armée, la place
résiste d’autant plus facilement que de longs tunnels reliaient l’Alcazar à
l’extérieur et permettaient aux assiégés de recevoir des approvisionnements et
des renforts. Alors que Ramiro II s’inquiète de la durée du siège, qui le
mettrait à la merci d’une contre-attaque des Maures, les Chrétiens réussissent
à percer les murailles le dimanche des Rameaux et pénètrent dans la forteresse,
massacrant la garnison et faisant de nombreux prisonniers. Pour Ramiro II, la
prise de Madrid pouvait peut-être ouvrir la route du Royaume de Tolède et en permettre
la conquête, mais rien n’est moins sûr. Le temps était encore aux raids rapides
et sans lendemains. La forteresse est d’ailleurs démantelée et les forces
chrétiennes foncent vers Talavera, à plus de 100 km au sud-ouest, qu’elles prennent. D’ailleurs, la réaction du
Calife de Cordoue Abd al Rahmman III est implacable. Il envoie des troupes sur
le Duero et livra à Ramiro II l’indécise bataille d’Osma, indécise puisque les
deux camps l’ont considérée comme une victoire.
En 1047, Fernando Ier le Grand (el Magno), roi de Castille et de Léon (1037 – 1065), qui donne une
nouvelle impulsion à la Reconquista,
franchit la barrière montagneuse au nord, assiège peut-être (les avis
sont partagés) et prend Madrid… à moins qu’Al-Ma’mun, roi de la taifa de
Tolède, n’ait accepté de devenir son vassal pour sauvegarder la forteresse. En
tout cas, les chrétiens qui y résidaient étaient, semble-t-il, trop peu
nombreux pour défendre la ville en cas d’annexion, d’autant plus que le Royaume
de Tolède était plus proche que celui de Léon.
Madrid, ville chrétienne depuis 1083
Madrid, ville chrétienne depuis 1083
Madrid, une forteresse ou une ville ?
Au Xe siècle, le Calife de Cordoue Abd al Rahmman III - Abderramán III - fit renforcer ces murailles faces aux incursions chrétiennes comme celle du roi de Léon Ramiro II en 932. Les murs étaient construits en pierres de taille de silex et calcaires avec des tours carrées dotées de créneaux, de passages et d’escarpes. De cette muraille arabe ne restent que quelques vestiges dans le Parque de Mohammed I : le morceau de murailles y fait 120 m de long, 8 m de haut et 2 m de large. On y distingue une poterne et on voit les traces de 6 tours, dont quatre sont encore en place.
Aujourd’hui les spécialistes s’affrontent
encore pour savoir si le Madrid musulman était davantage une forteresse qu’une
ville où prédominait la population civile, même si au Xe siècle y
vivait un savant comme Maslama-al-Mayrití, un des astronomes et mathématiciens
les plus réputés de son temps. D’ailleurs, est-ce une fondation arabe ou une
ancienne ville wisigothe ? La construction du nouvel alcazar puis celle du
palais d’Orient ont effacé beaucoup de traces du passé et il est difficile d’y
voir clair. Néanmoins, il y avait semble-t-il des faubourgs occupés par des
civils au sud-est de l’enceinte vers les actuelles Cava Baja et Plaza de los
Carros, comme le suggèrent les puits et les silos à céréales enterrés de
l’époque musulmane.
Madrid, ville romaine ? Ville wisigothe ?
Madrid, ville romaine ? Ville wisigothe ?
Du
reste, on attribue à la période wisigothe les premiers vestiges d’une basilique
de la période hispano-wisigothe vers l’église Santa María de la Almudena, ce
qui pourrait démontrer l’existence d’un site urbain. Autres preuves
archologiques de la présence antérieure à la domination musulmane d’une
population stable à Madrid, les restes de deux nécropoles wisigothes, l’une
dans l’ancienne colonie du Comte de Vallellano — paseo de Extremadura, près de la
Casa de Campo — et l’autre à Tetuán de las Victorias. De même, le premier
document écrit de Madrid, daté de 697, est de la période wisigothe : il s’agit
de la pierre qui se trouvait dans le cloître de Santa María de la Almudena sans
doute jusqu’au milieu du XIXe siècle et dont divers auteurs du XVIIe
siècle ont repris le texte : “MIN BOKATVS . INDIGNVS . PRS IMO ET TERTIO REGNO DOMNO RVD MI REGVM . ERA . DCC .XXXV”
Récemment
de nouveaux vestiges pré-romains (de la céramique carpétane) et wisigoths
(enterrement) ont été trouvés autour du Palais Royal, ainsi qu’une grande
nécropole wisigothe vers le Cerro Almodóvar, à Vicálvaro, au sud-est de Madrid.
L'alcazar, une forteresse arabe du IXe siècle
L
En fait, les deux grosses tours, la Torre del Homenaje (Tour de l’Hommage) au
centre – qui servait d’entrée principale à la forteresse – et la Torre del
Bastimento à l’est ont été très remaniées par Henri III (1390-1406), le premier
monarque à altérer la forme primitive de la place-forte musulmane. Modernisé
quelques années après 1534, l’alcazar a disparu lors de la construction du
Palais d’Orient.
Plus au sud, la ville arabe ou medina
Plus
au sud, la ville arabe ou medina
était elle aussi entourée de murailles. A ce sujet, il faut noter la confusion
en France entre medina et casbah : cette dernière correspond à
l’alcazar des Espagnols, la forteresse arabe, la ville étant la medina.
Les
Maures n’avaient pas permis aux Chrétiens vivant parmi eux ou mozárabes
de résider à l’intérieur des remparts et ils étaient installés sur le « cerro de las Vistillas », une
hauteur située de l’autre côté de l’arroyo
de San Pedro (calle Segovia aujourd’hui), autour de l’église San Andrés.
La
Morería (le quartier des Maures)
garde dans son nom le souvenir de l’occupant maure d’avant la reconquête. Ce
quartier fit partie de la médina madrilène et la Plaza de l'Alamillo rappelle peut-être l’ancien Tribunal
Arabe de la Morería, de
l'arabe alamud (tribunal), à moins
qu’il ne s’agisse du nom des arbres plantés là, comme à Los Alamos, des peupliers.
Quand
le roi Alphonse VI prit la ville, il fit repeupler le quartier par des Chrétiens.
-
la porte de la Vega (la plaine ou la
vallée fertiles), face au Manzanares, qui coule comme on l’a dit en contrebas à 600 m vers l’ouest. Cette porte
était étroite, sous une grosse tour,
divisée en deux pièces, la première avec un trou au sommet de l’arc pour jeter
un gros poids de fer sur un éventuel assaillant, la seconde, vers l’intérieur,
avec deux escaliers, un de chaque côté pour monter sur la tour. Entre les deux
pièces une herse de fer avec de gros clous pouvait être baissée.
-
la porte de Santa Maria
(Sainte-Marie) non loin de l’église du même nom à l’est, ouvrant sur la route
d’Alcala de Henares.
-
la
porte de la Sagra qui permet de pénétrer dans l’espace fortifié entre
l’Alcazar et la medina, le Campo del
Rey, où se trouvait l’église San
Miguel de la Sagra ou Xagra.
Cette
église romane devait ce surnom à la
proximité des huertas ou xagra. San
Miguel de la Sagra était une
église en pierre avec une classique tour carrée de brique – un campanile –et
une galerie extérieure avec des arches. On connaît son architecture et son plan
grâce au tableau de Vermeyen déjà cité. Dans un coin du cadre on peut en effet
observer une église proche de l’alcazar.
Elle
est mentionnée dans le décompte des église de l’annexe au fuero de Madrid de 1202, mais des dix églises mentionnées, elle fut
l’une des premières à disparaître. En effet, l’enceinte des Califes était
adjacente à l’église, non loin de la porte de la Sagra, comme on l’à déjà
précisé, et quand Charles Quint voulut reconstruire l’Alcazar, trouvant qu’elle
se trouvait au milieu de l’entrée de la forteresse et qu’elle était en mauvais
état, il demanda au pape la permission de la raser en 1544. Mais, le
souverain pontife, dans son
autorisation de 1548, émit de telles conditions qu’elle fut remplacée par San
Miguel y San Gil, plus connue sous le nom de San Gil el Real où fut baptisé
Philippe III, dessinée par Juan Gómez de Mora et détruite pendant la Guerre
d’Indépendance.
En
tout cas, l’église devait se situer non loin de l’actuelle Plaza de Oriente.
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